Entraînement des fascias en cas de spondylarthrite ankylosante?

Les fascias, c’est-à-dire des enveloppements de muscles et de tendons parfois fermes, mais parfois aussi très fins, sont sur toutes les lèvres. Le rôle biomécanique des fascias ouvre de nouvelles possibilités pour le traitement des maladies rhumatismales. L’élaboration d’un programme pour les personnes atteintes de spondylarthrite est cependant exigeante.

26 juin 2019

Dr Mark Driscoll, Université McGill, Montréal, Canada

La biomécanique a une longue histoire derrière elle depuis l’époque où Léonard de Vinci s’occupait des bras de levier du corps humain. De nos jours, les chercheurs disposent d’une multitude d’outils pour déterminer quelles forces sont efficaces dans les muscles et les articulations. Ce faisant, les chercheurs ont fait des découvertes nouvelles et importantes, mais sont confrontés à d’autant plus de questions ouvertes. Les fascias (des enveloppements de muscles et de tendons parfois fermes, mais parfois aussi très fins) et leur signification sont à la fois les gagnants et les victimes des résultats de recherche actuels. Afin d’analyser la biomécanique de l’appareil locomoteur humain, on doit effectuer des simplifications. On met les fascias de côté dans ses pensées, tout comme le font les anatomistes en disséquant dans la vie réelle. Pourtant, les fascias ont attiré davantage d’attention ces dernières années, parce qu’ils transmettent les forces mécaniques directement et indirectement: directement parce que l’endomysium1, le périmysium2 et l’épimysium3 transmettent les forces des et aux tendons attachés. Et aussi indirectement, car l’enveloppement contrecarre certes la pression interne d’un muscle qui se contracte, mais cette contre-pression donne aux structures voisines, par exemple à la colonne vertébrale, du soutien et de la stabilité.

Merveille biomécanique

La colonne vertébrale est une merveille biomécanique vu sa tâche complexe. Mais lors de tâches complexes, quelque chose peut facilement aller de travers. C’est peut-être la raison pour laquelle la colonne vertébrale est responsable de douleurs chez de nombreuses personnes. Le rôle des fascias pour la stabilisation de la colonne vertébrale n’est toujours pas entièrement compris. Mais de nouvelles découvertes précieuses ont été faites. De nombreux chercheurs ont souligné le rôle des fascias dans le domaine de la colonne thoracique et lombaire pour la stabilisation de la colonne vertébrale, car ces fascias transmettent des forces lors d’activités coordonnées tout en étant régulés par la pression abdominale et musculaire interne et peuvent entraîner des symptômes de maladie en cas de défaillance. Ces liens compliquent la tâche des centres de rééducation lors de leur tentative de trouver les responsables lorsque des fascias de la colonne thoracique et lombaire sont impliqués dans les douleurs.

Comment étudie-t-on cela? De nombreuses études in vivo4 confirment le rôle des fascias dans le domaine de la colonne thoracique et lombaire pour la stabilité de la colonne vertébrale. Indépendamment du fait si une pression abdominale interne accrue soulage ou non la colonne vertébrale réellement, il y a accord sur le fait que la pression abdominale interne augmente la flexion du tronc et qu’il existe un lien entre cette pression interne et la tension des fascias dans le domaine de la colonne thoracique et lombaire.

Déjà de nombreux essais

Afin d’étudier plus précisément la stabilité de la colonne vertébrale, beaucoup de chercheurs ont essayé de développer un modèle mécanique analogique pour la colonne vertébrale, mais ont échoué en raison de sa stabilité sous des charges réalistes. Le modèle analogique n’est stable que si les forces de charge suivent la courbure de la colonne vertébrale, donc si elles agissent sur la courbure à chaque endroit dans la direction de la tangente.

Toutes les forces et pressions des muscles et des fascias doivent donc solliciter la colonne vertébrale de sorte que cela serve sa stabilité. Cela signifie que les fascias dans le domaine de la colonne thoracique et lombaire doivent utiliser la tension musculaire pour essayer de stabiliser la colonne vertébrale contre la charge causée par la gravité. On tente actuellement d’en tenir compte dans un modèle in silico5, afin de développer un meilleur traitement des instabilités rachidiennes. Le rôle biomécanique des fascias ouvre de nouvelles possibilités pour le traitement des maladies rhumatismales. Le développement d’un dysfonctionnement et d’un handicap varie toutefois d’un patient à l’autre et n’est guère compris biomécaniquement. Par ailleurs, il existe le risque que les réflexes de compensation s’aggravent même encore en raison de nouveaux concepts biomécaniques et de la prévention du stress. La rééducation est une tâche difficile et l’élaboration d’un nouveau programme de rééducation pour soulager les maux de dos est même particulièrement exigeante. Nous en savons assurément plus aujourd’hui qu’il y a dix ou 20 ans, mais comment appliquer ce savoir est une autre question.

1 L’endomysium est une couche de tissu conjonctif qui entoure les fibres musculaires individuelles d’un muscle.

2 Le périmysium est une couche de tissu conjonctif qui irradie dans les profondeurs d’un muscle squelettique.

3 L’épimysium sert de couche de déplacement entre le fascia et les faisceaux de fibres musculaires. Il n’est cependant pas clairement séparé du fascia.

4 in vivo = sur (l’objet) vivant, par opposition à «in vitro» = dans le verre (d’une éprouvette)

5 in silico = en silicium (de l’ordinateur)

Source: Traduction adaptée aux patients de l’éditorial «Fascia – The unsung hero of spine biomechanics» (avec bibliographie détaillée) paru dans la revue Journal of Bodywork & Movement Therapies volume 22 (2018) p. 90-91, Morbus-Bechterew-Journal (MBJ), No 156 (mars 2019)